À partir de mi-décembre 2024, le Japon va légèrement assouplir ses limites de THC dans les produits à base de CBD, une annonce qui, malgré son apparence, reste anecdotique tant la réglementation nippone demeure stricte. En effet, le seuil de THC autorisé dans les produits CBD est l’une des plus strictes au monde. Sans mentionner le fait que la consommation de cannabis est punie par 7 ans de prison ! Comme quoi, l’herbe n’est pas toujours plus verte en face (ou de l’autre côté du globe). 😏
Une politique japonaise anti-drogue impitoyable
Le Japon est connu pour sa politique anti-drogue des plus sévères. La simple consommation de cannabis peut entraîner des peines d’emprisonnement allant jusqu’à sept ans.
Cependant, face à l’essor mondial du CBD et à l’émergence de traitements à base de cannabinoïdes, le pays n’a eu d’autre choix que d’adapter sa législation.
En 2023, un projet de loi a été adopté pour moderniser la loi sur le contrôle du cannabis, vieille de 75 ans. Ce texte marque une évolution majeure, permettant la mise en place d’une réglementation plus fine concernant les produits à base de CBD.
En mai 2024, une période de consultation publique a été lancée pour permettre aux citoyens et aux acteurs du marché d’exprimer leurs opinions sur les nouvelles directives proposées. Ce processus a conduit à la mise en place de nouvelles lignes directrices concernant les limites de THC dans les produits CBD, qui, malgré tout, demeurent parmi les plus strictes au monde.
Le ministère de la Santé, du Travail et de la Protection Sociale (MHLW) avait initialement proposé un seuil de THC extrêmement bas, de l’ordre de 0,0001 % pour certains produits. Toutefois, après consultation, ce seuil a été légèrement rehaussé à 0,001 %, ce qui, bien qu’une avancée, reste l’un des niveaux les plus bas jamais observés.
Les nouvelles limites de THC sont les suivantes :
👉 Produits à base d’huile et de poudre : 10mg/kg ou 0,001% (10ppm) de THC.
👉 Solutions aqueuses : 0,10mg/kg ou 0,00001% (0,1ppm).
👉 Autres produits, y compris les aliments : 1mg/kg ou 0,0001% (1ppm).
Les conséquences de limites ultra-restrictives pour le marché des produits CBD au Japon
Ces limites strictes imposent des défis significatifs aux fabricants de produits CBD. En premier lieu, elles encouragent l’utilisation d’isolat, une forme pure de cannabinoïdes, au détriment du distillat, qui contient tous les composés de la plante, y compris des traces de THC.
Ce choix a des répercussions sur l’efficacité des produits, car il limite l’effet d’entourage, un phénomène par lequel les différents composés du cannabis interagissent pour en renforcer les effets. Ainsi, de nombreux fabricants se tourneront probablement vers des produits « broad spectrum », qui excluent totalement le THC, sacrifiant ainsi une partie du potentiel thérapeutique du CBD.
Pour les industriels désireux de proposer des produits « full spectrum », contenant l’ensemble des cannabinoïdes, y compris des traces de THC, les exigences en matière d’analyse seront élevées. Ces produits devront subir des tests très sophistiqués pour s’assurer qu’ils respectent les seuils de THC imposés. Cette complexité se traduit par une augmentation des coûts de fabrication, et donc du prix final, rendant ces produits moins accessibles pour les consommateurs.
Par ailleurs, ces limites restrictives constituent un obstacle majeur à l’importation de produits CBD au Japon. Peu de pays disposent d’une réglementation aussi stricte, ce qui restreint considérablement le choix de produits disponibles sur le marché japonais.
Cette situation inquiète particulièrement les patients, notamment ceux atteints d’épilepsie, qui dépendent de médicaments comme l’Epidiolex. Ce médicament, produit par le laboratoire britannique Jazz Pharmaceuticals, est attendu sur le marché japonais, mais contient du THC, un élément qui pourrait compliquer son accès dans ce contexte réglementaire.

Les spécialistes japonais du cannabis médical inquiets...
Les experts, dont le Dr Yuji Masataka, sont particulièrement préoccupés par cette évolution réglementaire.
Bien que le relèvement du seuil de THC soit une reconnaissance de la nécessité d’assouplir les règles, ils estiment que cette modification est loin d’être suffisante pour soutenir le développement du marché. Pire encore, elle pourrait encourager la production de cannabinoïdes synthétiques, ou inciter à la falsification des analyses de laboratoire.
Le Dr Masataka souligne également que cette situation pourrait compromettre l’accès au cannabis médical au Japon. L’augmentation des coûts et les obstacles à l’importation pourraient dissuader les patients d’accéder à des traitements pourtant essentiels. En conséquence, l’augmentation du seuil de THC, bien que bienvenue, est jugée trop insignifiante pour provoquer un changement réel dans le paysage du CBD et du cannabis médical au Japon.
En conclusion, bien que le Japon semble assouplir sa législation sur le THC, les contraintes demeurent si strictes qu’elles risquent d’étouffer l’industrie du CBD avant même qu’elle ne prenne son envol. La route vers une réglementation plus équilibrée et favorable aux consommateurs semble encore longue. La prudence excessive du gouvernement japonais pourrait bien finir par être un obstacle à l’innovation et à l’accès aux traitements pour les patients qui en ont le plus besoin.