Avec l’augmentation des cas graves (c’est-à-dire, nécessitant une hospitalisation) liés à la consommation de cannabinoïdes de synthèse, l’ANSM a convoqué un Comité Psychotropes, stupéfiants et addictions afin d’évaluer leur possible interdiction.
Sur le banc des accusés, des cannabinoïdes créés en laboratoire, tels que le HHCPO, le H4CBD et le H2CBD. Mais aussi des phytocannabinoïdes naturellement synthétisés dans les fleurs de chanvre comme le THCP, le THCa et le CBN.
Le rapport a été publié il y a quelques jours, voici ce qu’il dit.
Rapport ANSM 2023 : contexte et définitions
Presque un an après la prohibition du HHC et de ses dérivés (HHCO et HHCP), les membres du Comité scientifique permanent se retrouvent pour discuter l’ajout de certains néo-cannabinoïdes à la liste des stupéfiants.
Le contexte
La presse européenne, mais aussi certaines figures publiques ainsi que plusieurs professionnels de la filière du chanvre, alertent depuis plusieurs mois au sujet de ces “nouvelles drogues”.
Voici ce que nous disent les données d’addictovigilance recensées dans le rapport de l’ANSM :
– La consommation de cannabinoïdes de synthèse entraine des complications, souvent plus sévères que lors de la consommation de cannabis (perte de connaissance, convulsions, complications cardiovasculaires, et paranoïa). Ces effets indésirables sont parfois réfractaires aux traitements classiques ;
– Les jeunes (15-20 ans), et même les très jeunes (moins de 15 ans) sont les principaux consommateurs de ces nouvelles drogues. À ce sujet, selon l’Observatoire français, 4 % des mineurs de moins de 17 ans ont déjà consommé des cannabinoïdes synthétiques ;
– Les cannabinoïdes synthétiques semblent entraîner une forte addiction, dès lors que leur usage est chronique. En effet, dans 40 % des cas, ils sont consommés au quotidien. Et même plusieurs fois par jour dans 23 % des cas ;
Ajoutons que, selon l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, on recense déjà deux cas d’overdose mortelle en Europe. Et qu’une étude a déjà mis en lumière le risque accru de lésion pulmonaire et de cancer des poumons lié à la consommation des acétates de cannabinoïdes (HHCo, THCo, HHCPo, etc.).
Bref, cela ne fait pas de doute, les cannabinoïdes de synthèse représentent un réel danger pour la Santé publique.
Mais au fait, de quoi parle-t-on au juste ? Qu’est-ce qu’un cannabinoïde synthétique ?
Cannabinoïde synthétique : définition
Un cannabinoïde synthétique est une molécule capable, comme les phytocannabinoïdes, de se fixer sur nos récepteurs endocannabinoïdes. On dit qu’il est “synthétique” car il n’est pas extrait de la plante, il est fabriqué en laboratoire.
Il faut toutefois distinguer :
– Les cannabinoïdes synthétiques qui existent sous leur forme naturelle dans la plante. Ils sont créés en laboratoire, car présents en trop faibles quantités dans la plante pour être extraits. C’est, par exemple, le cas du HHC et du THCP.
– Les cannabinoïdes synthétiques et artificiels, qui, eux, n’existent pas dans la nature. C’est le cas du H4CBD, du H2CBD, du HHCPO et de la grande majorité des cannabinoïdes synthétiques dont il est question dans le rapport ;
– Les cannabinoïdes créés en modifiant la structure d’un cannabinoïde naturel. On parle parfois de cannabinoïde d’hémisynthèse. C’est le cas du H4CBD, résultat de l’ajout de 4 atomes d’hydrogène à une molécule de CBD.
Les cannabinoïdes synthétiques — vendus sous forme d’herbe à fumer, de e-liquide ou de liquide — ne sont pas toujours appelés par leur nom chimique, mais par une “appellation commerciale” telle que Buddha Blue, Blue, Spice, Legal Eye, PTC, K2.
Quoi qu’il en soit, ces substances sont plusieurs points communs. En effet, elles :
- Ne contiennent pas de THC
- Provoquent des effets hallucinogènes très puissants et un sentiment d’euphorie, mais aussi une forte anxiété ainsi que de la paranoïa ;
- Ont effets sont bien plus puissants que ceux du cannabis ;
- Sont inodores et incolores.
Quels cannabinoïdes synthétiques souhaite interdire le Comité ?
Lors de la réunion du Comité, l’interdiction de plusieurs cannabinoïdes synthétiques est soumise au vote. Aucun n’a été épargné. Voici donc la liste des molécules qui rejoindront vraisemblablement la liste des stupéfiants.
Des cannabinoïdes synthétiques et artificiels :
5F-CUMYL-PEGACLONE = 5F-SGT-151
CUMYL-CH-MEGACLONE = SGT-270
7APAICA
5F-7APAICA
CUMYL-P7AICA
5F-CUMYL-P7AICA BZO-HEXOXIZID = MDA-19
BZO-POXIZID = 5C-MDA-19
HHCPo = HHCP acétate = hexahydrocannabiphorol-O
H4-CBD (dérivé CBD)
H2-CBD (dérivé CBD)
Comme nous l’avons expliqué un peu plus tôt, ces cannabinoïdes ne sont pas naturellement synthétisés dans le cannabis, ils sont créés de toute pièce en laboratoire.
Leur structure chimique est proche de celle des cannabinoïdes, permettant à la molécule de se fixer sur nos récepteurs, cependant, les effets provoqués sont très différents de ceux des cannabinoïdes naturels. En effet, grâce à leur structure modifiée, ils se fixent “mieux” et provoquent des effets bien plus intenses.
Cannabinoïdes naturels prochainement interdits ?
Certains cannabinoïdes qui figurent sur la liste des molécules susceptibles d’être interdites sont naturellement synthétisés dans le cannabis. C’est notamment le cas du :
– THCP, découvert il y a quelques années par une équipe de chercheurs italiens dans une variété de cannabis thérapeutique (FM2). Il se fixe particulièrement bien aux récepteurs CB1, lui conférent des effets psychotropes recherchés par les utilisateurs de cannabis récréatif ;
– THCa, forme acide du THC, c’est le précurseur de la molécule prohibée. Il est non-psychoactif en l’état, mais il suffit de le chauffer pour qu’il se transforme en THC et donc, provoque des effets psychotropes. On le trouve à l’état naturel, en très faibles doses, dans les fleurs de CBD ;
– Le CBN (cannabinol), cannabinoïde mineur naturellement synthétisé dans les fleurs de chanvre, très utilisé au sein de l’industrie CBD, notamment pour ses légers effets sédatifs. Toutefois, à forte dose, le CBN pourrait avoir des effets psychotropes.
Contrairement au THCa et au THCP, le CBN que l’on trouve dans certains produits CBD est généralement issu d’une extraction végétale. Il est, par ailleurs, présent en trop faible quantité pour provoquer d’effets psychotropes notables.
Affaire à suivre concernant ce cannabinoïde !